Cinq malades présentant une résistance aux antirétroviraux bénéficient d'une amélioration de leur état après un traitement avec un virus génétiquement modifié. Des résultats très prometteurs.

AUJOURD'HUI, les traitements contre le sida se heurtent à deux limites au moins : d'une part, les médicaments restent trop chers pour la majorité des malades qui en ont besoin dans les pays en voie de développement ; d'autre part, dans les pays occidentaux, 10 à 15 % des patients développent des résistances aux antirétroviraux qui deviennent alors inefficaces. D'où la nécessité de nouvelles approches pour lutter contre la pandémie, qui concerne plus de 40 millions de personnes dans le monde. Ainsi, une équipe américaine réputée, dirigée par Bruce Levine (école de médecine de l'université de Pennsylvanie), vient de réaliser un essai de thérapie génique avec des résultats assez prometteurs publiés hier sur le site Internet de la revue PNAS (Proceedings of the National Academy of Sciences). Une démarche, financée par l'Institut national de la santé américain (NIH), d'autant plus étonnante que la thérapie génique - qui a eu le vent en poupe dans les années 1980-1990 - connaît une sérieuse remise en question depuis quelques années.


Le principe du traitement développé par les médecins américains est basé sur l'utilisation d'un lentivirus (un rétrovirus capable de s'intégrer au génome des cellules du malade) modifié, c'est-à-dire dans lequel le gène d'une protéine bloquant le développement du virus du sida a été intégré. Ce virus nouvellement reconstruit, appelé VRX496, produit par la firme VIRxSYS Corp. de Gaithersburg (Maryland), fonctionne donc comme une sorte de cheval de Troie en portant un gène capable d'empêcher la reproduction de nouveaux virus du sida.


Charge virale stabilisée


Cinq malades atteints du sida, qui ne réagissaient plus aux antirétroviraux, ont accepté de recevoir une perfusion unique de ce virus modifié cultivé avec leurs propres lymphocytes. L'objectif initial des chercheurs était de vérifier l'innocuité d'une telle thérapeutique. Avec un recul de vingt et un à trente-six mois, il apparaît que ce traitement est très bien supporté et que le gène intégré dans le virus s'exprime encore longtemps après l'injection. Mais surtout, on observe une amélioration des paramètres biologiques pour les patients traités : quatre d'entre eux présentent une charge virale stabilisée, l'un bénéficiant même d'une nette décroissance, ce qui signifie que la réplication du virus du sida va en diminuant. Pour quatre patients, le taux de lymphocytes T augmente, ce qui traduit l'efficacité de cette thérapie, ces lymphocytes, première cible du virus du sida, chutant avec l'évolution de la maladie.


« Cet essai a donné des résultats encourageants chez certains malades pour lesquels tous les autres traitements avaient échoué, souligne le docteur Carl June, de l'université de Pennsylvanie, coauteur de cette recherche. L'objectif de cet essai clinique de phase un était d'établir l'innocuité et la faisabilité de ce traitement. Non seulement cela a été fait, mais, de surcroît, les résultats ont montré quelque chose de plus. Cependant, ce n'est pas parce que ce traitement génétique a donné des résultats encourageants avec quelques malades que cela va marcher pour tout le monde. Nous avons encore beaucoup de travail à faire. »


Les cinq malades de l'étude devraient être suivis pendant quinze ans. Un essai clinique de phase deux est en cours avec des malades atteints du sida dont l'infection est bien contrôlée par des antirétroviraux. Dans ce second essai, les patients devraient bénéficier de plusieurs injections du rétrovirus génétiquement modifié. Ils devraient ensuite arrêter leurs médicaments pour analyser les bénéfices de cette thérapeutique. « C'est un travail intéressant, commente le professeur Jean-François Delfraissy (directeur général de l'Agence nationale de recherche sur le sida). Mais ces résultats sont extrêmement préliminaires, même si avec un recul de vingt et un mois il n'y a pas eu de complications avec l'insertion de ce gène. »


La thérapie génique a eu, par le passé, des effets graves en provoquant des leucémies chez certains patients traités expérimentalement, entraînant même un décès chez un volontaire en 1999.